mardi 4 mai 2010

Lesconil. Bolincheurs chinois sans papiers





Mi-avril, deux nouvelles unités entraient dans le port de Lesconil. Deux futurs bolincheurs, pas encore armés, mais dont l'histoire est déjà tumultueuse. Construits en Chine, leur livraison a pris trois années de retard. Et ils n'ont toujours pas le droit de naviguer.

Difficile de les rater. Accostés à couple dans le port de Lesconil, les bateaux jumeaux de 16m de long, construits en polyester et en bois, sont arrivés il y a de cela près de trois semaines. Difficile de les manquer, dans un port qui a vu, ces dernières années, disparaître ses chalutiers. Tous victimes des plans de casse successifs, au point qu'il a fallu fermer la criée. Pour autant, ces deux bateaux, appelés à partir à la bolinche, ne sont pas véritablement neufs. «Cela fait trois ans qu'ils auraient dû être là», peste Mickaël Quiniou, à l'origine de la construction de ces navires au destin particulier. Pour plusieurs raisons... D'abord par leur naissance. Alors que la Bretagne n'est pas exsangue de chantiers navals, Mickaël Quiniou a choisi de les faire construire en Chine. «En Bretagne, les chantiers ont délaissé le polyester pour la pêche. Certains se sont tournés uniquement vers la plaisance, d'autres préfèrent aujourd'hui construire des vedettes à passagers. La pêche, ça n'intéresse plus grand monde».

Aller-retour pour rien en Chine

Les pérégrinations du marin bigouden en Chine commencent ainsi. C'était sans compter sur la défection d'un intermédiaire. Sans compter, non plus, sur des malfaçons apparues sur l'une des deux unités. S'engage alors un bras de fer à distance. Mickaël Quiniou se rend même jusqu'en Chine, s'apprête à charger ses deux bolincheurs sur un cargo en partance pour l'Europe quand la menace d'un procès intenté au constructeur par l'intermédiaire empêche le départ. Le marin bigouden doit rentrer en France, sans ses bateaux. Finalement ramenés à Lorient, puis pris en remorque jusqu'à Lesconil, les deux unités découvrent leur port d'attache en avril. Au final, alors que la construction de ces deux bolincheurs devait être une bonne opération financière, «je vais les payer aussi cher que si je les avais fait faire en France. Mais bon, c'est comme ça, et puis ce sont de bons bateaux, c'est solide». Les travaux d'armement ont donc commencé. Mais il est décidément écrit que rien ne serait simple, et une nouvelle menace pèse. Administrative, cette fois. «Avec le temps perdu pour les récupérer, on a fini par m'expliquer que les permis de mise en exploitation (PME) des deux bateaux qu'ils devaient venir remplacer ont disparu. Maintenant, il faut relancer toute la procédure». Pas sûr que ces fameux sésames soient délivrés dans trois mois, date prévue de leurs premières marées. «De toute façon, ça fera du bruit si je ne reçois pas les PME», prévient Mickaël Quiniou. «J'ai l'impression des fois qu'on veut empêcher les gens de travailler. Quand c'est pour donner des autorisations et des KW publics aux armements pour qu'ils fassent des chalutiers hauturiers de 25m, il n'y a pas de problème. Mais un artisan, on ne veut pas l'aider. Faut pas oublier que deux bolincheurs, c'est quinze marins au moins, l'équivalent de trois hauturiers, et autant de familles qui peuvent en vivre». Sur les bolincheurs chinois en attente d'une identité bigoudène, les travaux reprennent mais l'incertitude demeure


Marc Revel - Le Télégramme - 4-05-2010

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