Du côté de Loctudy, alors que les éléments s'agitent, David Hecquet, 39 ans, et Nicolas Biger, 37ans, sont restés au port. Ces deux-là, pourtant, n'ont pas peur des coups de tabac, à force d'essuyer des tempêtes en Sud-Écosse ou en mer d'Irlande. Des années passées à la pêche hauturière, avant la grande dépression des plans de sortie de flotte. Derniers embarquements en date, sur le Kuzh Héol, un des navires concernés par la déroute de la Capal. «Il a été cassé en mars. Depuis janvier, on n'a rien eu. C'est la galère». La procédure de licenciement des ex-marins de la Capal est en cours. Mais ces deux-là ont du sang salé dans les veines, et n'imaginent pas autre chose que de partir en mer. Lassés des marées de quinze jours, «au bout d'un moment, c'est usant», l'occasion se présente aux deux marins, en début d'année, de racheter un canot de Loctudy. «8,30m, polyvalent, pour la palangre, le casier ou le filet». Une belle occasion, ce petit bateau de pêche côtière. Pourtant, si l'idée est belle, la réalité économique ne fait pas dans la dentelle.
Banques réticentes
«Il nous faut 130.000EUR, explique Nicolas Biger, mais pour l'instant, aucune banque ne veut nous suivre. Pourtant, on est vraiment super-motivés par ce projet de rachat, qui serait forcément rentable». Sur le bateau, «quelques bricoles à faire. Un moteur à changer pour être tranquilles pendant quelques années. On nous dit que notre apport personnel n'est pas assez important. Je crois plutôt, qu'aujourd'hui, les banques ne veulent simplement pas investir dans la pêche».
«Pas autre chose»
Cet apport personnel, «déjà élevé par rapport à ce que demandent normalement les banques», les deux associés pourraient le mettre. «Mais si au final on n'a pas de trésorerie, on se retrouvera très vite en difficulté». Les deux marins-pêcheurs avancent leurs arguments. «Un petit bateau comme ça, c'est économique en gazole. Les pratiques comme les arts dormants rentrent dans la pêche durable», justifie David Hecquet. Qui, au-delà de sa situation particulière, s'avoue désabusé par la situation de la filière. «Passé 40ans, on ne peut plus s'installer, on n'a plus droit aux aides. On est considérés comme des vieux. Il ne faut pas oublier que la moyenne d'âge des marins du quartier, est de 43 ans». Et les deux marins de s'interroger sur la sincérité des annonces faites par l'État, qui a récemment manifesté son intention de dynamiser la filière. «La formation, c'est bien. Mais si on n'aide pas les gens à reprendre des bateaux, ça ne sert à rien», juge Nicolas Biger. «On met tant d'argent pour casser des bateaux, mais on nous dit qu'il n'y en a pas pour moderniser», ajoute David Hecquet. «De toute façon, on n'envisage pas de faire autre chose», expliquent en choeur les deux pêcheurs. Avec une forme d'optimisme qui ne cache pas leurs doutes.
le Télégramme 5 avril 2010
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